Cousteau – Tu ne vas pas me dire que tu as des regrets !
Rebatet – Non ! Je ne regrette rien. Je me dis simplement ceci : j’ai eu raison de vitupérer les fuyards, les taupes bourgeoises, tous ceux qui se sont tapis chez eux à l’heure des coups durs, je suis satisfait de ne pas être de leur espèce. Mais sur un plan supérieur, j’ai dit « non » à la société à l’âge de vingt ans. L’idéal de la fermeté, de la virilité même, n’aurait-ce pas été de résister mordicus aux poussées de fureur, d’enthousiasme, de dégoût qui ont fait de nous les partisans d’une foi politique ?
Cousteau – Pour cela il aurait vraiment fallu être un surhomme. Il n’y a pas de justice. Et cette absence n’est pas limitée à notre cas. Il n’y a jamais de justice. Il n’y en a jamais eu. Il n’y en aura jamais. Du moins sur cette terre. Et comme nous n’avons pas l’infantilisme de donner dans les fables nazaréennes qui relèguent la justice dans l’au-delà, autant se faire une raison. Le Droit et la Justice sont des constructions métaphysiques. Pour peu qu’on décortique un peu le système, on retrouve toujours la vieille loi de la jungle, c’est-à-dire le droit du plus fort. Ça, c’est solide. La société organisée élimine ses ennemis. Les possédants défendent leur bifteck. Le gang régnant anéantit les individus ou les groupes qui l’inquiètent.