Mais en fait vraiment ont-ils existé ? Tout cela ne fut-il pas un songe ? N’ai-je pas rêvé qu’à moins de trente ans un pays se disait mon nom et qu’à certains jours les plus lointains journaux de la planète le répétèrent ?
Replié dans mes tristesses d’exilé, j’arrive à ne plus croire à mon passé lui-même. Ai-je ou non vécu ces temps ? Connu ces passions ? Soulevé ces océans ? J’arpente mes terrasses. Je me penche sur mes roses. J’en détaille les parfums. Ai-je jamais été un autre être que ce rêveur solitaire qui happe en vain des souvenirs, effilochés comme des brouillards de montagne ?
Tout cela ne fut-il pas autre chose qu’une hallucination ?
Je ne vois plus au loin, tout au loin, dans des lumières délavées, que des corps à la Greco, de plus en plus amincis. Ces gens qui s’effacent à jamais de l’horizon m’ont-ils connu ? M’ont-ils suivi ? Les ai-je entraînés ? Ai-je existé ?