S’il n’y a pas d’autre obstacle réel que celui que nous venons d’indiquer, comment se fait-il donc que les « orientalistes », c’est-à-dire les Occidentaux qui s’occupent des choses de l’Orient, ne l’aient jamais surmonté ? Et l’on ne saurait être taxé d’exagération en affirmant qu’ils ne l’ont jamais surmonté en effet, lorsqu’on constate qu’ils n’ont pu produire que de simples travaux d’érudition, peut-être estimables à un point de vue spécial, mais sans aucun intérêt pour la compréhension de la moindre idée vraie.
C’est qu’il ne suffit pas de connaître une langue grammaticalement, ni d’être capable de faire un mot-à-mot correct, pour pénétrer l’esprit de cette langue et s’assimiler la pensée de ceux qui la parlent et l’écrivent. On pourrait même aller plus loin et dire que plus une traduction est scrupuleusement littérale, plus elle risque d’être inexacte en réalité et de dénaturer la pensée, parce qu’il n’y a pas d’équivalence véritable entre les termes de deux langues différentes, surtout quand ces langues sont fort éloignées l’une de l’autre, et éloignées non pas tant encore philologiquement qu’en raison de la diversité des conceptions des peuples qui les emploient ; et c’est ce dernier élément qu’aucune érudition ne permettra jamais de pénétrer.